ARBITRAGE

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Rubrique des Arbitres

 


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Rubriques de Rich COLKER - NEC Bridge Festival n° 7 - 29 janvier 2002 (Traduction de Samuel Rozenberg)
L'article original en américain peut se trouver page 22 à l'adresse suivante : http://bridge.cplaza.ne.jp/necfest02/bulletins/blt1.pdf)

L'Alerte en question


Rich Colker, arbitre international de l'ACBL
 


L’année passée j’ai écrit un article ainsi intitulé dans mon bulletin de bridge local dans lequel je discutais de la procédure d’alerte et des problèmes d’Informations Non Autorisées qui peuvent être occasionnés par cette procédure. Peu après la parution de cet article, une lettre de lecteur mettait en cause les conseils que j’y avais donné. J’ai donc écrit une réponse à son intention, qui sera publiée prochainement dans ce bulletin. Comme mon conseil original, la lettre le mettant en cause et ma réponse peuvent être utiles à d’autres, je les reproduis ici, dans l’espoir qu’ils éclairent et intéressent.

D’abord l’article d’origine...

        Les questions concernant la procédure d’alerte sont les plus fréquentes parmi celles qui me sont soumises. Elles impliquent souvent des questions d’éthique, la procédure elle-même, les informations transmises par une alerte (ou le défaut d’alerte) et la bonne façon traiter des évènements qui en découlent.

Il sera utile pour la lecture de la suite de garder à l’esprit plusieurs faits :
  • 1) Le but de la procédure d’Alerte est d’informer les adversaires qu’une déclaration a un sens caché (ou une implication) qu’ils peuvent ignorer.
  • 2) Aucun des deux joueurs de l’équipe alertante n’est autorisé à « voir » l’alerte, de même que le partenaire face à un défaut d’alerte n’est pas autorisé à « ne pas voir » l’alerte !
  • 3) La loi interdit à un joueur de tenir compte (à l’enchère ou durant le jeu de la carte) d’une information obtenue par la réponse du partenaire à une question des adversaires (Il peut néanmoins tenir compte de la question posée).
  • 4) La loi demande de corriger (au bon moment et de la bonne manière) toute information qui a pu être donnée par une alerte inappropriée ou par un défaut d’alerte.
  • 5) Enfin l’éthique commence par soi-même, reconnaître ses fautes et les assumer.


  • Les adversaires ont droit à toutes les informations que vous partagez avec votre partenaire via vos déclarations. La loi 40B dit : « Il est formellement interdit à un joueur de faire une déclaration ou un jeu de la carte fondé sur une entente spéciale entre partenaires, sauf si la paire adverse peut en comprendre la signification de manière raisonnable ». Souvent l’Alerte est le seul moyen de transmettre une telle information.

    Supposons par exemple une réponse de 1 à l’ouverture de 1 qui dénie une majeure 5ème sans rien dire des carreaux. C’est alertable. Sinon comment l’adversaire peut-il raisonnablement deviner que vous pouvez être singleton ou doubleton carreau ? De même si vous jouez les « contre de soutien » et les enchères se déroulent :
    ENCHERES
    VousAdvG PartAdvD
    1 Passe 1 2
    Passe !

    Le « passe » sur 2 doit être alerté (le contre de 2 par vous au deuxième tour aurait montré un soutien de trois cartes dans la majeure du partenaire). Dans le cas présent le « passe » lui-même n’est pas conventionnel, mais l’absence de « contre » a des implications cachées (vous n’avez pas pu utiliser le contre de soutien, donc vous n’avez probablement pas trois cartes à pique, en tout cas pas que vous souhaiteriez montrer).

    Supposons que vous déteniez : Qxx Axx KQxx Jxx et que les enchères soient celles décrites ci-dessus. Votre partenaire alerte votre passe sur 2 ce qui vous rappelle que vous jouez le contre de soutien.
    L'AdvG passe, votre partenaire déclare 2 et la parole vous revient.
    Pouvez vous déclarer 2 ?
    Absolument pas !
    L’Alerte est pour vos adversaires, et pour eux seuls. Vous n’y avez pas droit, au sens ou vous ne devez pas tirer profit des informations qu’elle contient. Comme vous avez d’évidence oublié d’utiliser le contre de soutien, et comme d’évidence c’est l’alerte de votre partenaire qui vous en a fait souvenir, vous n’avez pas le droit d’utiliser cette information. Vous devez agir comme si votre partenaire n’avait pas alerté, et passer tranquillement.

    Qu’arrivera-t-il si vous déclarez 2 et que cela termine les enchères ?

    Première hypothèse : Le partenaire possède Axxxx x Axxx xxx et les deux contrats (2 et 2) font +1 (le Roi de pique est placé). Vous ne serez pas autorisé à garder votre bon résultat. Les adversaires appellerons l’arbitre, qui rétablira le contrat à 2, faisant +1 (110 pour vous). De plus, si vous êtes un joueur expérimenté l’arbitre estimera que vous n’auriez pas du, de vous même, tirer avantage de l’information non autorisée, et peut vous pénaliser (40% ou 3IMPs). De surcroît, si vous commettez l’imprudence de faire appel, Le comité d’appel le rejettera, et vous pénalisera pour ne pas vouloir reconnaître vos torts. Si vous avez en plus un passif d’actions similaires, le comité d’éthique pourrait même être saisi, ce qui vous occasionnerait encore d’autres punitions. Ceci inclut une période probatoire ou même de suspension.

    Deuxième hypothèse : Votre partenaire possède maintenant xxxx Kx AJxx xxx. L’AdvD choisit de partir de l’As d’atout, puis atout à travers votre dame restée seconde pour les purger en quatre tours, puis ils prennent cinq plis maîtres à Trèfle pour –4 : un zéro absolu ! Dans ce cas, vous garderiez votre piètre résultat et vous pouvez encore être sujet aux pénalités exprimées ci-dessus par le comité d’éthique.

    Le crime ne paie pas.

    Supposons maintenant que vous déteniez AJx Kx AQxxx xxx et que les enchères se déroulent de la façon suivante :
    ENCHERES
    VousAdvG PartAdvD
    1 Passe 1 2
    Contre * Passe 2 Passe
    ?
    * : Non Alerté

    Le défaut d’alerte du contre est le signe certain que votre partenaire a oublié votre convention du contre de soutien. Donc il a dégagé votre contre « punitif » de 2 à 2. Si sa teneur ressemble à Q10xxxx Qxx Kxx x ou Qxxxxxx Qxx Kxx — Le contrat de 4 semble assuré. Même avec une main aussi misérable que Q10xxxx Qxx Jx xx il sera malchanceux de chuter au palier de 3.
    Si proposer 3 vous semble approprié, Faux !
    Si votre partenaire avait alerté votre contre, proposer 3 était possible (à vos risques et périls), Toutefois, son défaut d’alerte rend la proposition encore plus attrayante. La loi stipule que l’on n’a pas le droit « parmi les différentes possibilités logiques d'actions, d'en choisir une qui aurait pu indiscutablement (en américain : demonstrably - NdT) avoir été suggérée, plutôt qu'une autre, par cette information illicite. » (Loi 16A). Comme précédemment, chaque tentative devrait se solder par au moins un score ajusté, ainsi qu’à une éventuelle pénalité disciplinaire de surcroît.

    Que se passe-t-il lorsqu’un adversaire vous pose une question concernant une de vos déclaration ? Pouvez vous utiliser la réponse de votre partenaire pour vous aider dans la suite des enchères ?
    Absolument pas ! Les informations provenant des réponses à une question des adversaires sont non autorisées pour le camp des répondants. Vous êtes autorisés à entendre la question, et à utiliser à votre avantage l’intérêt des adversaires pour la réponse. Vous « n’entendrez » la question que pour corriger une éventuelle erreur d’explication donnée par le partenaire (mais vous attendrez la première occasion légale - la fin des enchères pour les déclarants, la fin du jeu pour la défense – pour effectuer cette correction).

    Voyons la situation suivante : vous relevez KQxxx KQx Axxx K, et les enchères commencent :
    ENCHERES
    VousPartenaire Votre interpretationCelle du partenaire
    1 2
    3 4 Splinter (court à coeur) Demande d'As (couleur au dessus de la mineure agréée)
    5 NF (Pas de plue-value) Deux clefs et la Dame d'atout
    5 Contrôle de 1er rang (As ou chicane) Proposition de grand Chelem
    5 SA Négatif : Pas l'As, points perdus à Les deux rois majeurs
    6 Proposition de grand Chelem Proposition de grand Chelem
    ?
    Votre interprétation du sens des différentes enchères sont donnés ci-dessus. En gros, elles montrent que le splinter de votre partenaire vous a découragé. Par contre maintenant, vous êtes devenu plus optimiste à la lumière de l’insistance de votre vis-à-vis : vous avez une bonne combinaison d’honneurs en majeurs, étant donné votre déni des As dans ces couleurs, et un bon pouvoir de coupe à Trèfle (avec quatre atouts).

    C’est le moment que choisi l’adversaire de droite pour se renseigner sur le sens des enchères auprès de votre partenaire. Ses interprétations sont également montrées. Vous et votre partenaire avez été dans deux univers différents. Il s’est servi de la couleur au-dessus (convention Redwood) comme demande d’As et vous lui avez indiqué un As et la dame d’atout en plus de ce que vous aviez ! Vous avez bien les deux rois majeurs, mais cela ne compense pas vos réponses. Vous pouvez avoir déjà dépassé le palier de sécurité.

    Que faites-vous ?

    Vous devriez maintenant savoir ce que l’on attend de vous. Vous devez enchérir comme si les enchères de votre partenaire avaient le sens exact que vous leur avez attribué à l’origine. L’information que vous avez du contraire vient d’une INA (Information Non Autorisée). Vous n’êtes pas autorisé à « l’entendre », et encore moins vous en servir. Peu importe qui, de vous ou votre partenaire, a raison sur le sens des différentes enchères. Tout ce qui compte c’est que vous n’avez pas le droit de savoir qu’elles ont un sens différent pour votre partenaire, de la même façon que si cette connaissance provenait de son maniérisme ou de commentaires durant les enchères. Il est illégal et non éthique pour vous de l’utiliser : vous devez donc poursuivre … et demander le grand chelem (7).

    Voyons un deuxième exemple. Vous ouvrez de 2, que le partenaire alerte comme étant un Flannery. Le seul problème est que vous ne jouez pas cette convention avec ce partenaire. Il vous a confondu avec un autre de ses partenaires (dont vous auriez aimé qu’il soit à votre place en ce moment). Quand, et comment devez vous corriger la désinformation ?
    Premièrement pas pendant les enchères. Toute tentative d’informer les adversaires informera également le partenaire, ce qui est illégal.
    Deuxièmement, si vous êtes dans le camp du déclarant (déclarant ou mort) vous devrez appeler l’arbitre à la fin des enchères, et expliquer la situation. Il déterminera alors quand et comment les adversaires seront dédommagés du préjudice.
    Si vous êtes dans le camp de la défense, vous ne devez appeler l’arbitre qu’à la fin du jeu de la carte, sans rien faire auparavant.
    Et si le partenaire s’aperçoit de son erreur ? Il doit immédiatement appeler l’arbitre (peu importe qu’il soit déclarant ou défenseur), et agir comme décrit précédemment.
    Et si l’explication du partenaire est correcte et que c’est vous le fautif d’avoir oublié les conventions que vous jouez ? (Je sais que c’est impossible, mais imaginez le juste un instant, pour développer les arguments). Dans ce cas, il n’y a pas d’infraction. Les adversaires ont reçu une description pertinente de vos agréments, et le partenaire est dans la même situation qu’eux quant à la connaissance de votre main réelle. Vous ne devez rien tenter pour corriger l’explication de votre partenaire (qui est exacte !) ni appeler l’arbitre (il n’y a rien à lui signaler). Les adversaires n’ont pas à connaître votre main ou que vous avez mal enchéri. Ils n’ont à connaître que vos conventions. Toute tentative de votre part de les prévenir ne peut servire qu’à informer votre partenaire, ce qui est illégal.

    Dans les deux cas ci-dessus, vous savez, d’après les réponses de votre partenaire aux questions des adversaires que vos enchères ont été mal interprétées. Ce savoir vous est interdit, et vous devez soigneusement éviter d’en tenir compte. Souvenez-vous : l’alerte ne doit servir qu’aux adversaires : vous ne devez enchérire puis jouer comme s’il n’y avait jamais eu d’alerte. C’est à dire que vous devez enchérir puis jouer comme si votre partenaire avait correctement enchéri à chaque étape, - soit alerté quand il aurait du, soit sans alerter quand il n’y avait pas lieu de le faire. Dans la plupart des cas, il est aisé pour un arbitre expérimenté ou une commission d’appel de déceler quand un joueur a utilisé une information non autorisée. Quelquefois un coupable échappe à la détection.

    Néanmoins, la crainte d’être pris ne doit pas être la motivation première pour éviter les actes délictueux. Vous devriez plutôt avoir comme but d’adhérer aux standard d’une conduite irréprochable. Il est important que nous assumions tous une responsabilité personnelle pour que le jeu se déroule de façon le plus étique possible. Nous n’attendons rien de moins de chaque participant.

    Maintenant la lettre d’un lecteur...

    Quel Dommage ?

    Cher Mr Colker
    Je viens de lire votre article « L’Alerte en Question », et je désire vous expliquer pourquoi je pense que vous avez tort.

    Mais laissez moi commencer par vous dire pourquoi c’est important.
    Je suis un joueur moyen qui, après 30 ans a gagné 250 PE.
    Je joue occasionnellement les tournois de régularité du jeudi, (même si c’est un jeu cloisonné, où plusieurs d’entre vous « experts » se démènent pour me faire sentir indésirable). Je veux jouer dans le strict respect des règles, mais plusieurs experts sont allés trop loin en dénichant des INA sous des défauts d’Alertes ou comme dans votre exemple sous des Alertes injustifiées.
    Vous ignorez le fait que la plupart d’entre nous essaient de jouer honnêtement, et vous êtes bien trop rapide à imposer des restrictions ou des pénalités lorsqu’il y a peut-être une chance sur un million que l’INA a été utilisé indûment ou que les adversaires ont été lésés par son utilisation. Pour quelqu’un comme moi, affligé d’une vision défectueuse, dont le partenaire n’ « hésite » que parce que cela lui prend plus de temps qu’à vous autres, experts, de trouver la bonne enchère, cela pose problème. Il est déjà pénible de ne pas voir le mort, et de devoir le mémoriser ou que les adversaires n’annoncent pas leurs cartes jouées que je dois alors deviner. Je devrais en plus être attentif à ne pas tirer avantage des hésitations de mon partenaire, de ses défauts d’alertes, ou du fait que mon alerte peut lui avoir signalé que son enchère voulait dire autre chose que ce qu’il voulait dire.
    Faisons des règles pertinentes et non ridicules : elles sont trop biaisées et vont tomber d’elles même.

    Revenons à votre exemple que je traiterai à deux niveaux. La situation que vous décrivez est la suivante :

    Ma main : Qxx Axx KQxx Jxx
    ENCHERES
    MoiAdvG PartAdvD
    1 Passe 1 2
    Passe * Passe 2 Passe
    ?
    * Alerté par mon partenaire : « 2 cartes à pique au plus »
    Scenario 1 :
    Je sais parfaitement que nous jouons le contre de soutien, mais, bien que n’en ayant jamais discuté avec mon partenaire, je décide de passer. Notre système est la majeure 5ème. Nous essayons de répondre à une ouverture par une majeure 4ème à partir de 5-7HL (puisque l’ouvreur peut avoir 19 HL); nous essayons de jouer les contre de soutien même si nous savons qu’il est probable que nous ne jouerons pas le contrat. Le contre de l’enchère de 2 de l’ AdvD montre trois ou quatre pique, mais ne limite pas ma main, alors qu’un Passe montre à mon partenaire (au moins pour nous à notre niveau) plus d’informations utiles (j’ai ouvert avec un jeu minimum, et ne possède en tout cas pas quatre pique). Ou est le mal ?
    Maintenant mon partenaire reparle à 2 et l’AdvD passe. Vous dites que je n’ai absolument pas le droit de proposer 2 et que si j’obtiens un bon résultat il me sera dénié. Je pourrais avoir un score ajusté et si je fais appel, je serais même passible d’une pénalité supplémentaire.
    Ridicule.
    Mon raisonnement est le suivant : Nous avons un fit huitième à Carreau, mais nous pouvons aussi avoir un fit huitième à Pique. Nous sommes en tournoi par paire. Pourquoi ne serais-je pas autorisé à « jouer » au bridge, et tenter ma chance à 2 ? Si les adversaires déclarent 3 mon partenaire saura décider entre passer ou surenchérire à Carreau ou à Pique.

    Revoyez votre définition du contre de soutien : vous dites que mon passe peut signifier que je possède trois Pique que je ne désire pas montrer. Mon partenaire a alerté et expliqué : « Nous jouons le contre de soutien : le défaut de contre signifie qu’il a deux Pique au plus » Mais comme je peux utiliser mon libre arbitre pour ne pas contrer avec trois cartes à Pique, dois-je en conclure que c’est mon partenaire qui a fourni une Alerte indûment ? – ce qui peut, ou pas, tromper les adversaires – Je dois donc être autorisé à respecter scrupuleusement notre système et enchérire 2. Mon résultat est maintenu. Je ne suis pénalisé ni une fois, ni encore moins doublement.
    Scenario 2 :
    Supposons maintenant que j’ai oublié que nous jouons le contre de soutien. Après l’alerte de mon partenaire, je suis au courant (bien que vous dites que je dois faire comme si je ne l’avais pas vu) que mon partenaire et les adversaires pensent que je possède un ou deux Pique (avec une chicane j’aurais sans doute reparlé). Lorsque les enchères me reviennent après 2 je raisonne de la façon suivante : Je n’ai pas entendu l’alerte. C’est un tournoi par paire, et je voudrais tenter de jouer en majeure avec un fit septième ou huitième plutôt que dans un fit huitième à Carreau.
    De plus l’INA dont je dispose est plutôt triviale : Les autres joueurs pensent que j’ai un ou deux Pique. Que penseront-ils si j’enchéri maintenant 2 ? Ils penseront soit :
  • (a) « Ce satané idiot a oublié qu’il jouait le contre de soutien ! comme il n’aurait certainement passé avec 4 Pique, il doit en avoir 3 »
  • ou
  • (b) « Il doit avoir 2 super Pique, disons AR ou AD ».

  • Quand j’ais enchéri 2, ais-je tiré indûment avantage de l’INA triviale dont je disposais ? Quel est le dommage subi par mes adversaires ? Ils peuvent dire avoir pensé que nous n’avions pas de fit Pique, et qui s’ils avaient envisagé un fit 4-3 ou 5-3 ils auraient enchéri (ou joué) différemment.

    Soyons sérieux !

    Respectueusement

    (signature)

    Finalement la réponse à cette lettre...

    Quel Dommage ? Une réponse


    Une question de Courtoisie :

    Avant d’en venir aux questions d’INA, je voudrais aborder quelques points de courtoisies abordées par la lettre du lecteur. Des joueurs qui se « démènent » pour que d’autres se sentent indésirables contreviennent à la loi 74A. En parler à l’arbitre peut aider si le joueur est outrageusement discourtois, mais parfois le problème est qu’il n’est simplement pas aussi sociable, amical ou gracieux que nous souhaiterions. Aussi amère que soit la pilule pour certains, nous devons nous rendre compte qu’il n’est pas possible d’obliger tout le monde à se conformer à son propre standard de sociabilité ou de gentillesse. Il peut être également pénible qu'un joueur essaie de forcer à sourire un adversaire timide, introverti ou malheureux que pour ce joueur de supporter cet opposant asocial ou morose. Les tournois de bridge sont des occasions de se rencontrer, dans lesquels se croiseront toujours des personnes de styles différents. Nous devons supporter cela, sauf si une personne est ouvertement offensante. Si un adversaire semble particulièrement froid ou distant, un compliment (en particulier lié à son jeu) une blague, ou une pointe amusante peut parfois aider à briser la glace. Mais si ce n’est pas votre style (ou si cela n’aide pas), vous pouvez avoir à le supporter.

    Le problème d’adversaires n’annonçant pas leurs cartes (ou leurs enchères) alors qu’un malvoyant le leur demande poliment est plus sérieux. Si cela est fait intentionnellement c’est en violation de la loi 74A, et appeler l’arbitre est la meilleure façon de gérer la situation. Cependant nous devons garder à l’esprit qu’enchérir et jouer sont pour la plupart des joueurs des actes automatiques. Nous ne pouvons nous attendre à ce qu’un joueur s’adapte sans peine à l’acte anti-naturel et inhabituel d’annoncer ses enchères et/ou d’énoncer ses cartes jouées. Il y aura des blancs. Quand cela arrivera je recommande un rappel poli (« je suis désolé, je n’ai pas saisi ce que vous avez dit » – ou – « votre cartes est le … quoi ?») pour rafraîchir leur mémoire. Vous pouvez aussi demander à votre partenaire au début de chaque tour d’offrir d’annoncer enchère et/ou cartes jouées pour eux s’ils ont peur d’oublier ou s’ils préfèrent ne pas le faire eux-même ou si après avoir essayé un moment, il y a trop d’oubli.

    Une question de Loi :

    Si vous jouez une partie amicale d’Echec avec un ami, vous pouvez jouer d’après toutes règles qu’il vous semblent justes. Vous pouvez prendre une pièce, la posez en différents endroits de l’échiquier en envisageant différentes possibilités, puis la replacer sur sa case initiale, et poursuivre en déplaçant une autre pièce. Vous pouvez déplacer une pièce, la relâcher, puis, avant que votre ami n’ai passé trop de temps à réfléchir à son prochain coup (après tout, c’est un ami) lui demander de reprendre votre coup. Vous entendrez probablement : « Bien sur ». Mais si vous jouez un tournoi d’échec tout est changé. Si vous touchez une pièce puis changez d’avis quant à la bouger : dommage ! En tournoi, toucher c’est jouer. Et si vous la lâchez, il n’y a pas de « reprise ». Inamical ? Asocial ? Peut-être. Le bridge n’est pas différent. Peut-être devrait-il l’être, mais la rigueur du jeu dépend toujours du lieu ou vous le jouez et avec qui. Jouez à la maison avec un groupe d’ami, pour le plaisir, et les règles seront celles que vous adopterez : paroles à la table, réfléchir à haute voix, jeu plus ou moins lent, peu importe. Quand vous jouez dans votre club de proximité les règles sont plus strictes (bien que cela dépende du président de ce club), quoique probablement pas aussi strict qu’au Blue Ribbon Pairs (Célèbre club bostonien - NdT).

    Mais jouez dans n’importe quelle épreuve fédérale (y compris dans votre comité) et les règles deviennent l’équivalent de « toucher c’est jouer ».
    C’est comme ça.
    Ce serait agréable si la fédération prévoyait des tournois décontractés et sociaux pour ceux qui ne souhaitent pas jouer en environnement agressif. Mais le fait est qu'elle ne le fait pas (David Silber ex CEO à l’ACBL et moi-même avons soumis l’an passé une proposition de tournois à règles restreintes à tout niveau, y compris en tournois fédéraux. Ces propositions « seront examinées » par la chambre des directeurs, mais je vous conseille de ne pas « retenir votre souffle ») (La Fédération Française de Bridge a créé une épreuve bi-annuelle qui se nomme le Championnat de France des Ecoles de Bridge, et ou certaines règles sont adaptées à des débutants. (NdT)

    Donc, si vous jouez en tournoi de bridge (ou d’échec), vous devez accepter de jouer dans les règles. Bien sur, au bridge, c’est à chaque joueur de décider si, et quand, il appelle l’arbitre lorsqu'un adversaire commet une faute ou une irrégularité. Mais tout le monde peut jouer « toucher c’est jouer » à la lettre. Si vous vous surprenez à vous plaindre d’autres joueurs appliquant strictement les règles, et souhaitez éviter la pression des jeux en tournois, ne jetez pas l’opprobre sur les adversaires. La faute, si faute il y a, est chez vous (et à la FFB pour ne pas prévoir d’épreuve décontractée en sus des épreuves régulières).
    Si vous tenez à votre divertissement, restez en club, ou l’atmosphère est plus sociale et les règles plus lâches.
    Les règles sont ce qu’elles sont. Aucun petit groupe d’expert (y compris beaucoup de joueurs que ne sont décidément pas des « experts » au sens strict du terme) ne peut aller trop loin en cherchant la petite bête. C’est le rôle de l’arbitre de faire respecter les règles comme elles sont rédigées et voulues. Aucun joueur, face à un arbitre compétent, ne devrait être autorisé à imposer ses propres vues en contradiction avec ce que dit la loi.

    Les informations sur les lois et règlements dont je parle dans ces articles ne sont pas seulement les miennes, mais celle de la fédération (J’essaie toujours de préciser comme mon opinion un avis que j’émets ou une situation officiellement pénalisable comme telle, pour que vous fassiez la différence). Ainsi dans cet article, quand j’ai décrit les règles concernant l’INA, ce n’était pas seulement mon point de vue, mais celles suivies par la ACBL (et la FFB) pour tous les tournois. Nous pouvons, vous et moi, ne pas l’apprécier, mais la loi c’est la loi. Lorsqu'elles semblent trop sévères pour un joueur banal ou apparaissent exceptionnellement injustes pour un joueur faible (je suis plutôt d’accord avec la première proposition, mais pas avec la seconde), la faute n’en incombe pas à « plusieurs experts », mais à ceux qui ont rédigé ces lois.
    Les Lois sont prévues pour rendre le jeu aussi équitable que possible et pour aplanir l’aire de jeu pour ce qui est en dernière analyse une compétition. Les joueurs qui se plient aux règles et jouent honnêtement vont enfreindre une ou plusieurs règles durant un match, aussi inéluctablement que le soleil se lève chaque matin (même si on ne le voit pas à travers neige, nuages ou pluie). Des INA vont se produire, par exemple si un joueur enchérit plus rapidement ou plus lentement que d’habitude, car personne ne peut comme un automate garder un rythme égal sans variation. Lorsqu’une INA se produit (et elle se produira) le joueur qui la reçoit doit choisir, et dans bien des cas, ce choix ne sera pas évident (il aura, comme on dit, « une alternative logique »). Si ce choix a pu être suggéré par l’INA, alors il est possible qu’il ne sera pas autorisé, à moins que ce joueur puisse démontrer que le choix était dicté par le système, ou évident d’après les informations déjà en sa possession au moment de son enchère.

    Ce n’est pas, contrairement aux apparences une question d’honnêteté, mais une question d’équité. N’étant pas devin, aucun de nous ne peut savoir si la décision a été influencé par l’INA. En fait, le joueur lui-même ne peut être certain que sa décision n’a pas été orientée de façon inconsciente. Si une INA a pu avoir influencé le jeu, et qu’un bon résultat obtenu en a découlé, la loi dit que le score ne peut être maintenu.

    Si vous écoutez attentivement, je suis sur que vous entendez l’auteur de la lettre dire : « Mais pourquoi la loi présume-t-elle que le joueur a utilisé l’INA ? Demandez aux adversaires de prouver qu'elle a été utilisée ! N’ajustez pas le score seulement parce qu’il est possible qu’elle l’ait été ! »
    Et bien il y a trois raisons pour lesquelles la loi n’utilise pas cette approche.
    La première, et d’une certaine façon la plus importante, c’est quelle placerait les joueurs dans une relation d’agressivité hautement non souhaitable. Une équipe serait obligée d'accuser l’autre d’avoir utilisé l’INA, au lieu de juste mentionner qu’une INA « a pu suggérer » le bon choix.
    La seconde raison est qu’il est virtuellement impossible de prouver qu’une INA a influencé un choix.
    Ce qui nous amène à la troisième et dernière raison : le résultat final d’adopter cette démarche serait que les joueurs enclins à flirter avec les limites de ces comportements douteux (hésitations et maniérismes) bénéficieraient d’un avantage certain sur les joueurs éthiquement corrects. Le jeu évoluerait vers un univers ou la victoire ira à la paire s’approchant le plus d’une triche non assumée. Ce n’est clairement pas la direction ou la plupart d’entre nous souhaitons voir évoluer le bridge.

    Les Contres de Soutien :

    En répondant à la lettre concernant les INA, je vais brièvement débattre des contres de soutien, parce que certaines des idées exposé&es dans cette lettre sur la façon de les utiliser ne sont pas en phase avec la façon standard.

    Un contre de soutien montre exactement trois cartes (pas quatre) de soutien dans la couleur du répondant, et ne limite en rien la force de sa main. De même un contre de soutien ne dénie ni n’affirme une autre qualité à la main de l’ouvreur (sauf considérations évidentes d’efficacité). Par exemple changeons légèrement la séquence :

    1 - Passe - 1 - 2 - ?

    Considérons les deux mains suivantes :
    A) Dxx x ARVxx Dxxx
    B) xxx x ARDVxx ADx

    Alors que la main A est propice à un contre de soutien, je n’envisagerai pas de contrer avec la main B. Pour voir pourquoi vous ne devriez pas contrer avec la main B, demandez-vous : « Quel est la chose la plus importante à dire à mon partenaire sur ma main ? » Clairement lui dire ou est ma source de levée pour un contrat éventuel de 3 SA (et déclarant 3 tout de suite) est bien plus important que de lui montrer mon faible soutien à trois cartes à pique. Si vous dites 3 votre partenaire répondra 3 SA avec
    Rxxx Dxx xx Rxxx,
    alors que si vous contrez, il se résignera probablement à 2. S’il a une main constructive, orienté vers les piques, comme
    ADxxx xxx xx Rxx,
    il laissera les enchères ouvertes sur votre 3 encourageant (avec par exemple 3); à ce moment vous pourrez montrer votre complément à pique avec 3 pour atteindre l’excellente manche à 4.

    Un autre problème soulevé par le contre de 2 est que l’adversaire de gauche peut soutenir à 3; si la parole vous revient, comment signaler maintenant votre potentialité de plis à votre partenaire ? Vous aimeriez demander à celui-ci d’enchérire à 3 SA avec un arrêt cœur, mais il n’y a aucun moyen de le faire sur 3. Le mieux que vous puissiez faire c’est de contrer de nouveau, mais votre main n’est pas orientée vers la défense, et enchérire à carreau vous emmène au-delà de 3 SA.

    Considérons maintenant la main suivante :
    C) Dxx x ADVxxx Adx

    Elle est moins productrice de levées, et le soutien à pique est plus fort (ce qui rend cette couleur plus souhaitable comme atout). Vous devriez contrer 2. Si maintenant l’adversaire de gauche parle à 3 et que la parole vous revient, vous pourrez contrer de nouveau pour montrer des valeurs supplémentaires. Le principe général est d’enchérire sur l’adversaire de droite en donnant l’information la plus importante sur votre main d’abord. Lorsqu’il y a plusieurs aspects d’importances équivalentes, (par exemple un fit de trois cartes, une longue mineure, des plus-values) commencez par celle que vous pouvez décrire de façon la plus économique (d’ordinaire le contre de soutien), puis montrez ensuite les autres caractéristiques.

    Comme je l’ai indiqué plus tôt, un passe de l’ouvreur dans une situation ou un contre serait de soutien ne montre ni ne dénie une force particulière. Pour examiner pourquoi considérons la situation d’origine :
    br>1 - Passe – 1 - 2

    Quelle est votre enchère sur 2 avec la main
    C) x ARDx ARxx xx ou
    D) Dx ARVx ADxxx xx ?
    Vous ne pouvez contrer dans aucun des deux cas, car cela indiquerait in fit de 3 cartes à pique, ni ne pouvez dire 2 dans quatre cartes avec la main C ou egalement avec une couleur aussi faible que celle de la main D. Une enchère de 2 avec ces mains est également exclue, car vous êtes trop faible pour un bicolore cher, et vous n’avez pas la bonne distribution (vous ne pouvez être certain de trouver un bon contrat en forçant votre partenaire à parler).
    Donc un « Passe » ne peut dénier un jeu de deuxième zone, car cela peut être la seule option viable avec certaines bonnes mains. Et comme le « Contre » de soutien est l’enchère juste avec la main originale, cette déclaration ne peut pas en même temps garantire une quelconque plus-value.
    En résumé, un contre de soutien montre un fit de trois cartes dans la majeure du partenaire et ne dit rien d’autre de la main de l’ouvreur si ce n’est que c’est la meilleure description de sa main. Si l’ouvreur passe, ou produit une autre enchère économique (comme la répétition de l’ouverture), il n’a probablement pas un fit de trois cartes, car avec une main minimum, montrer le fit en majeur est primordial.
    Toutefois, une enchère encourageante (comme un saut à 3 sur l’intervention de 2) peut cacher un fit troisième si le fit n’est que la deuxième caractéristique de la main.

    Les Alertes et les Informations Non Autorisées

    Maintenant que nous sommes d’accord sur les contres de soutien, nous pouvons répondre aux points soulevés par la lettre du lecteur concernant les INA.
    Dans son premier scénario, Passer sur 2 avec une main correspondant aux critères du contre de soutien est un choix perdant à tout coup. Passer vous fait manquer le fit de trois cartes et la chance de déborder l’adversaire dans une partielle. Cela peut même vous faire manquer une bonne manche en majeure.
    Par exemple si le partenaire réveille à 2, proposez-vous la manche ?
  • A) Si vous le faites, la main de celui-ci peut se révéler être RVxxxx xx x Rxxx, et vous chutez soit sur l’entame probable d’un Trèfle (et sa coupe) ou sur entame Cœur.
  • B) Si vous passez, la main de votre partenaire sera AV10xxx Rx Vxx xx et la manche à 4 se fait grâce à l’impasse à l’atout.

  • L’autre danger de passer est que l’adversaire de gauche peut soutenir à 3 auquel cas le partenaire ne saura pas s'il faut se bagarrer, et si oui, dans quelle couleur (carreau ou pique). S’il soutient à 3, est ce que vous « pariez » à 3 ? Et si l’enchère de 3 vous revient ? Vous risquez-vous seul à 3 au risque d’une énorme crème renversée en jouant (voir même en étant contré) dans un fit de sept petites cartes alors que vous auriez pu gagner ou sacrifier dans un contrat à carreau ?
    Passer est du bridge solitaire pas du partenariat. C’est parier la donne en choisissant de deviner quoi faire tout seul, alors que vous auriez facilement pu contrer 2 de soutien et permis à un partenaire informé de prendre une décision motivée.

    La lettre du lecteur se poursuit par la question : « Pourquoi ne serais-je pas autorisé à jouer au bridge, et tenter ma chance à 2 ? » Pour compléter la réponse qui précède, une fois que le partenaire a alerté, vous ne tentez pas la chance que vous croyez. L’alerte du partenaire réduit les risques de l’enchère de 2, et fait pencher la balance de votre côté. Si le partenaire avait pensé que vous pouviez détenir trois cartes à pique, il aurait probablement défendu dans une couleur de cinq cartes. Mais maintenant qu’il pense que vous ne pouvez pas les avoir, il va souvent se défendre dans la mineure – peut-être même avec seulement trois cartes – même s’il détient cinq cartes à pique -. C’est pourquoi surenchérire de 2 augmente les chances de gain chaque fois que le partenaire à au moins cinq cartes à pique et seulement trois cartes à carreau, les deux étant plus probables après son alerte.

    Mais pourquoi diable, avec toutes ces bonnes raisons de contrer de soutien pour montrer votre fit et aucune de jouer en solitaire, les adversaires, l’arbitre ou une commission devraient-ils croire que vous avez « choisi » d’enchérir ainsi et que ce n’est pas l’alerte qui vous a rappelé votre convention ? Au fond, quoi que vous disiez, personne d’autre que vous – et parfois même pas vous – ne pouvez être certain d’avoir ou pas oublié que vous jouiez les contres de soutien ou d’avoir « choisi » de ne pas l’utiliser.
    La loi exige que l'arbitre ou que la commission d’appel assume que toute INA soit le motif de votre action, sauf si vous pouvez produire des preuves convaincantes du contraire. Comme la logique du bridge implique que vous vous seriez servi du contre de soutien si vous vous étiez souvenu que vous l’utilisez, et comme il est illogique de passer d’abord puis avoir à deviner plus tard, la présomption est que vous avez oublié, avez été réveillée par l’alerte du partenaire, puis tardivement annoncé votre fit dans sa majeure en déclarant 2. Donc, que cela ait été consciemment ou non, volontaire ou pas, l’INA occasionnée par l’alerte a guidé votre choix. Vous ne pouvez prouver le contraire, et vous ne pouvez être autorisé à garder votre bon résultat. Vous pouvez même être pénalisé si vous êtes expérimenté et que votre profit est flagrant.
    Remarquez bien que la seule chose que l’arbitre examinera sera les preuves de votre argumentations (tel que la feuille de convention) et la logique du bridge. « J’ai d’abord choisi de passer puis j’ai tenté ma chance à 2 » ne marchera pas, si à l’enchère précédente utiliser une convention que vous jouez résout le problème sans avoir à deviner. Ceci ne veut pas dire que l’arbitre, en rendant un jugement contre vous, vous traite de menteur, ou suppose que vous trichez. La loi lui impose de punir tous les joueurs qui bénéficiant d’une INA, agissent comme s’ils en avaient tenu compte, et ne peuvent présenter d’autres raisons impératives pour avoir décidé de la sorte. Agir autrement serait une invitation faite aux joueurs de tirer avantages d’informations non réglementaires provenant de leur partenaire.
    Est-ce que l’utilisation indue d’une INA se produit « une fois sur un million » comme le disait le lecteur ? Difficilement. Durant un tournoi fédéral, de telles INA se produisent un nombre incalculable de fois, et pas seulement dans d’obscures circonstances impliquant des contres de soutien. Ce n’était qu’un exemple que j’avais choisi pour illustrer mon propos. Des INA se produisent nombre de fois, et le joueur qui explique avoir tenté sa chance a toujours de bonnes raisons pour sa correction après sa décision curieuse à une enchère précédente. Je suis toujours émerveillé par la façon dont ces joueurs semblent ne retrouver leurs enchères qu’à partir du moment ou une alerte ou un défaut d’alerte de leur partenaire ne les réveille. Est-il possible que ce qu’ils décrivent leur arrive réellement ? Bien sur ! Mais il est plus que probable qu’il ne s’agisse que d’une rationalisation pour expliquer la « correction » de l'erreur précédente après la découverte de cette erreur via la procédure d’alerte. Le problème est que nous ne saurons jamais quel joueur a légitimement tenté sa chance, et quel joueur a oublié ce qu’il jouait, s’est assoupi, et a alors été réveillé (même inconsciemment) par l’INA. La loi précise que nous devons supposer la deuxième hypothèse sauf si le joueur peut nous convaincre que la première est la bonne.
    Si vous êtes impliquée dans une telle situation, n’essayez pas de convaincre l’arbitre que vous « venez de décider » d’enchérir de la sorte. Vous pouvez être de bonne foi, mais là n’est pas la question. Des joueurs expérimentés peuvent être pénalisés si leur profit est flagrant. Si leur triste histoire ne marcha pas auprès de l’arbitre et qu’ils fasses appel dans l’espoir que la commission l'achète, ils devraient se préparer pour une autre pénalité lorsque leur appel sera rejeté. La commission d’appel d’un comité régional ou d’un tournoi local peut botter en touche et ne pas attribuer la pénalité appropriée; certains peuvent même autoriser « l’enchère de 2 » comme quelques arbitres inexpérimentés. Mais au niveau national, le marteau frappera plus souvent qu’à l’accoutumé. Pour paraphraser l’inspecteur Harry d’un vieux film de Clint Eastwood « Tu devrais te demander si t’es en veine ; voir même tête brulée ».

    Pénalités et lois

    Permettez-moi une digression.
    En règle générale, une pénalité pour action triviale basée sur une INA est rarement imposée à un joueur inexpérimenté, ou dans des tournois de débutants. Les commissions d’appel et les arbitres aguerris préfèrent éduquer ces joueurs plutôt que de les punir. Mais une fois prévenus, s'ils font une habitude de ces comportements, ils peuvent finir comme l’exception et être pénalisés. Bien sur, en parties libres ou à la maison, tout ceci deviens discutable, puisque alors le seul but est de s’amuser en société. Et bien que ce soit aussi un objectif de l'ACBL (particulièrement pour tournois de régularité), nous devons nous souvenir que le bridge est également une compétition.
    Dans un jeu convivial, le règles peuvent être assouplies, er gagner devenir secondaire. Mais en tournois, la compétition est également importante.
    De la même façon qu’un joueur de salon a le droit de se plaindre d’un opposant qui gène son plaisir du jeu, un joueur de tournoi a le droit de se plaindre s’il croit que son adversaire a tiré avantage d’une INA, de façon intentionnelle ou non.
    Comme un conducteur inattentif est responsable des dommages qu’il occasionne, un joueur négligent qui dispose d’une INA est responsable de ses actions : ses vis-a-vis peuvent être lésés aussi bien volontairement que par inadvertance.

    La ressemblance entre une situation d’INA et le « bridge adjectival » m’a toujours frappé. L’avez vous pratiqué ? Chaque joueur est autorisé d’adjoindre un adjectif à sa déclaration. Ainsi par exemple on entendrait « Deux Coeurs Forcing » ou « Un Pique Non Forcing » ou « trois Trèfle Contrôle ». On pourrait enchérire « Deux Carreau Multicolore » ou « Deux Piques Michael » ou encore « Deux Trèfle Drury ». (Voire « contre de soutien » ou « passe forcing » ou encore « surcontre SOS » - NdT). Auriez vous encore des mésententes d’enchères si vous pouviez agir de la sorte tout le temps ? Je pense que non. Mais quelle sera votre réaction si lors de votre prochain match en équipe, vos opposants commencent à agir de la sorte ? Appelleriez vous l’arbitre ? Penseriez vous être désavantagé ? Eh bien c’est exactement le sentiment qu’ont les joueurs lorsqu’un adversaire hésite, fouille sa boite à enchère, montrant par-là à son partenaire ses alternatives, ou utilisant une alerte ou une réponse de son partenaire pour enchérire.
    Tout ceci et illégal en tournoi, et protéger l’esprit compétitif est important, même si des joueurs moins expérimentés pensent qu’on utilise leur faiblesse. Hésiter, ou oublier son système, puis s’en souvenir via des (non) alertes est tout aussi injuste envers des joueurs plus expérimentés.
    Il n’est pas injuste de connaître les règles et de jouer suivant celles-ci, peu importe l’insistance de certains joueurs à clamer le contraire haut et fort. Dans quelle autre compétition est-il illégal ou injuste de connaître les règles et de les utiliser à votre avantage ? Lorsqu’une faute est commise au rugby, l’avant opposé essaie d’en tirer avantage, au risque d’une interception, sachant qu’il pourra bénéficier d'un retour à la position de la faute initiale comme filet de sécurité. Au Basket, lorsqu’un joueur est bousculé, il lancera la balle au petit bonheur de chance vers le panier sachant que si par miracle il rentrait il bénéficiera en plus d'un tir franc.
    Jouer d’après les règles et en tirer avantage fait parti de tout comportement de compétition. Bien sur vous pouvez jouer des parties amicales ou les règles sont plus relâchées, mais si vous jouez en tournois, vous devez jouez d’après les règles, toutes les règles.
    C’est « Toucher c’est jouer ».

    Devenir un joueur plus expérimenté implique non seulement apprendre à enchérir et à mieux jouer, mais aussi apprendre à jouer d’après les règles. Attention ! Ceci ne veut pas dire que je préconise que les joueurs se plaignent de fautes inexistantes ! Mais demander la réparation d’un dommage lorsqu’un adversaire, même inexpérimenté peut avoir profité d’une INA est une partie légitime du jeu.

    Toujours pas convaincu ? Alors imaginez. Si c’était légal, des joueurs expérimentés pourraient créer des INA bien plus subtiles et les utiliser de façon bien plus performante que des joueurs moins expérimentés. Si vous ne tentez pas d’infléchir les effets possibles des INA, en adoptant le point de vue naïf que tous les joueurs sont bien intentionnés, les experts domineront encore plus que vous ne pouvez l’imaginer, et les joueurs les plus faibles n’y pourront rien.
    Mais si vous appliquez la loi strictement et uniformément, même si les joueurs d’expérience peuvent avoir « une longueur d’avance », les autres apprendront finalement ce qu’il faut pour leur permettre de rattraper leur retard. A l’inverse de devenir expert, ce qui n’est pas donné à tout le monde, chacun peut lire les lois et règlements, et apprendre à jouer d’après ceux-ci. Finalement le terrain de jeu s’apaisera. Pendant ce temps, certains joueurs débutants choisiront de jouer des tournois « protégés », et des joueurs moins âpre au gain peuvent se cantonner à l’atmosphère plus conviviale de tournois de régularité en club. Mais si vous voulez progresser dans votre jeu, si vous voulez jouer en compétition, vous devez payer votre dîme, et apprendre à jouer d’après les règles – toutes les règles.

    Un dernier mot sur les alertes et les INA

    Revenons maintenant sur le scénario N°2 de la lettre du lecteur. Il est certain que l’ouvreur ne passera jamais sur 2 avec un fit de quatre cartes dans la majeure de son partenaire ; mais s'il joue les contres de soutien, il est fort improbable qu’il en ait même trois. Le seul type de main dans lequel l’ouvreur aura un fit de trois cartes et ne contrera pas sera lorsqu’il détiendra des plus values, et une caractéristique plus importante que le fit. Mais dans ce cas, il ne passera pas. Il annoncera cette caractéristique. En d’autres termes, avec une main minimum et un fit de trois cartes, l’ouvreur contrera toujours, et laissera la décision à son partenaire, dûment informé, de prendre la bonne décision quant à la poursuite des enchères. Avec une main plus forte et quelque chose de plus à dire que son soutien par trois cartes, l’ouvreur choisira une enchère plus descriptive sur 2 (par exemple : un saut à 3 - couleur autonome – ou 2 - bicolore cher – ou 3 - demande de contrôle – etc.) Il est évident qu’un joueur qui passe avec une main faible et un fit par trois carte et soit un piètre joueur, soit un joueur qui a oublié sa convention.(s'il y a d’autres restrictions que la paire impose à l’enchère du contre de soutien, ils doivent l’exposer lors de la procédure d’alerte). Mais les joueurs faibles oublient aussi leurs conventions, peut-être plus souvent que les bons joueurs. C’est pourquoi passer sur 2 avec la main d’origine de mon article est une preuve plutôt évidente que l’ouvreur a oublié ses contres de soutien.

    Est-ce qu’un ouvreur qui détient une main fittée par deux fortes cartes peut enchérire 2? Personnellement, je ne le ferai pas, mais si vous le faites, parfait, allez-y, et dites 2 sur les 2 de votre partenaire. Si votre main n’est pas adaptée à un contre de soutien (seulement deux piques) alors vous être libre d’enchérire ; il n’y a pas de raison de croire que l’alerte de votre partenaire vous a aidé, car il n’y a pas de preuve que vous ayez oublié quoi que ce soit. Mais si votre main était adaptée à un contre de soutien, et que vous ne l'avez pas fait sur 2, alors il y des raisons de croire que l’alerte vous a réveillé et a rendu l’enchère de 2 plus attrayante. Et donc vous n’êtes pas autoriser à la faire.

    Dans mon article, j’ai supposé que vous avez oublié que vous utilisiez la convention du contre de soutien. Mais si c’est le partenaire qui a oublié, et qui a incorrectement alerté le « Passe » sur 2 comme déniant 3 cartes à pique (vous ne jouez pas les contres de soutien), la situation ne change pas beaucoup. Si votre enchère de 2 sur 2 avait montré soit un fit de 3 cartes, soit un fit de 4 cartes (comme il n’y a pas le contre pour différencier les deux), alors la question persiste : pourquoi n’avez vous as directement enchéri 2 sur 2? Pourquoi avez vous attendu, et l’avez-vous utilisé sur l’enchère de 2 de votre partenaire ? L’alerte veut toujours dire qu’il pense que vous n’avez pas trois pique, (vous auriez pu en avoir trois) alors les enchérire maintenant (alors que passer sur 2 est une alternative logique) semble encore suspect de tirer avantage de l’INA pour dire au partenaire que vous avez en fait un fit de trois cartes.

    En fait, remarquez que l’enjeu ici n’est pas de tromper les adversaires; c’est d’utiliser des informations non autorisées pour augmenter vos chances d’atteindre un bon résultat. Il y a-t-il une raison de penser que les INA obtenues via ces alertes soient « triviales » ? Si les opposant marquent –110 sur votre défense à 2 alors qu’ils vous auraient défait à 2 pour +50 est-ce trivial ? S’ils finissent à +50 sur votre défense à 3 (après que votre enchère de 2 ait permit à votre partenaire de poursuivre) plutôt que de marquer 110 à 3, est-ce trivial ? Désolé, mais dans mon livre, rien de ceci n’est trivial : ce sont bien des dommages.