ARBITRAGE
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Rubrique des Arbitres
 
Rubriques de Bertrand GIGNOUX - Bridgeur n° 698 - 15 juillet 1997 | |
L'hésitation ... ne peut profiter qu'à l'adversaire ! |
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La Loi 73 C énumère quelques-unes des informations non autorisées :
"Quand une information non autorisée est accessible à un joueur par suite d'une remarque, d'une question, d'une explication, d'un geste, d'un maniérisme, d'une certaine insistance, d'une accentuation, d'une hâte ou d'une hésitation du partenaire, il doit soigneusement éviter d'en tirer un quelconque avantage pour son camp." |
Le texte est devenu depuis le nouveau code 97 : "Quand une information non autorisée est accessible à un joueur par exemple, suite à une remarque, une question, une explication, un geste, un maniérisme, une certaine insistance, une accentuation, une hâte ou une hésitation de son partenaire, il doit soigneusement éviter d'en tirer un quelconque avantage pour son camp." |
Nous nous attarderons ce mois-ci aux seuls problèmes des hésitations qui reviennent sans cesse dans les cas d'arbitrage.
Lorsque l'arbitre est appelé à une table après une hésitation, l'auteur de l'hésitation se sent souvent accusé et tente fréquemment de se justifier auprès de l'arbitre : "Regardez ma main, c'est normal d'hésiter, j'ai un problème !" Autant vous le dire honnêtement, l'arbitre s'en désintéresse complètement. Il est d'accord avec vous et vous comprend. Voici le point important :
Il n'est pas illicite d'hésiter. Une hésitation ne constitue en aucun cas une infraction, à condition que son auteur ait un problème de bridge à résoudre. Les arbitres qui sont aussi, à leurs heures perdues, des joueurs de bridge, se retrouvent comme vous dans des situations qui demandent une longue réflexion. Un arbitre ne vous reprochera jamais d'hésiter si vous avez une décision à prendre. L'ennui est que l'hésitation véhicule souvent une information et que celle-ci est pratiquement toujours identifiable. Or ce moyen de communication n'est pas autorisé. Donc, l'irrégularité ne survient que si le partenaire tire un quelconque profit de cette hésitation.
Exemple n° 1
Vous détenez en Sud, donneur :
Voici la séquence :
* 2 As sans le Roi d'atout Que déclarez-vous sur 5 ? |
Vous n'avez qu'une seule enchère : PASSE !
Après votre enchère de contrôle de 4 ,
votre partenaire a utilisé le Blackwood, puis est revenu à 5
après votre enchère de 5 ,
comme s'il manquait deux As.
Après tout, le Blackwood sert à cela : ne pas jouer de chelem avec deux
As dehors.
Quelle information vous a transmise l'hésitation ?
Elle est facile à comprendre : il ne manque pas deux As, puisque, dans
ce cas, votre partenaire n'aurait eu aucune raison d'hésiter et aurait conclu
rapidement à 5 .
Vous savez donc que le partenaire a au moins un As et que, au vu de votre jeu,
le chelem est sûrement tabulaire.
Comprenez-bien que c'est l'hésitation, et l'information non autorisée qu'elle
véhicule, qui vous permet de déduire que vous pouvez faire douze levées à
l'atout Pique.
Mais la Loi 73 C vous rappelle qu'après une information non autorisée, vous devez soigneusement éviter d'en tirer un quelconque avantage. |
Quelques joueurs, pas vous bien sûr, se laisseraient aller à dire 6 avec ces arguments :
"Mon enchère est très logique et je n'ai pas été influencé par l'hésitation. J'ai 17 points d'honneurs, alors que je n'ai promis que 12 points, un soutien à Carreau que je n'ai pas encore décrit, de beaux atouts. De plus, mon partenaire a forcément un As, puisque ses atouts ne sont commandés au mieux que par le Roi. Mon enchère de 6 est donc automatique et obligatoire".
L'arbitre après avoir rectifié à 5 + 1 vous fera remarquer que votre partenaire aurait pu détenir :
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ou l'équivalent |
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Exemple n° 2
Il concerne le jeu de la carte. Vous êtes en défense, en Ouest, après les enchères suivantes :
Vous entamez du Valet de Cœur, pour l'As, le 6 et le 3. |
Voici un problème de flanc très difficile. Imaginons deux distributions envisageables :
Diagramme 1 |
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Diagramme 2 |
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Dans le cas du diagramme 1,
il faut rejouer Pique, sinon Est sera squeezé entre ses quatre Trèfles
et son As de Pique.
Dans le cas du diagramme 2,
il faut rejouer Trèfle, sinon Sud réalisera trois Piques, cinq
Carreaux et quatre Cœurs (avec l'impasse au 10).
Y'a t'il un raisonnement qui vous permette de bien décider dans
chacun de ces cas ?
Personnellement, je n'en vois pas, mais vous pouvez toujours écrire à
Michel Bessis, qui se fera un plaisir de vous répondre.
Imaginez maintenant qu'Est, à la 2ème levée, réfléchisse très longtemps lorsque le déclarant joue la Dame de Pique et se décide, après avoir sorti une carte, puis une autre, pour le 4 de Pique.
Après avoir pris du Roi de Pique, que rejouez-vous ?
Vous avez, bien sûr, compris que vous rejouerez ce que vous voudrez sauf
Pique.
L'hésitation d'Est vous a apporté une information facilement déchiffrable :
il possède l'As de Pique (on n'hésite pas très longtemps pour marquer son
compte ou pour faire un appel de préférence). Ceci est une information
illicite, non autorisée. Vous ne devez pas en tirer un quelconque avantage.
Dans cette situation, rejouer Pique serait une infraction. Votre partenaire vous
a mis dans une situation épouvantable. Vous allez probablement livrer le chelem
à vos adversaires, en sachant qu'au départ vous auriez pu prendre les deux
premières levées à Pique !
Si cela vous console, blâmez votre partenaire d'avoir hésité, mais comprenez
bien qu'il n'a rien commis de répréhensible sur un plan strictement arbitral.
Peut-être a t-il mal joué, mais c'est un autre problème.
"Une hésitation n'est pas une infraction. L'infraction ne survient que si le partenaire en tire un quelconque avantage". |