ARBITRAGE
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Rubrique des Arbitres
 
Rubriques de Michel MAITRE - Bridgeur n° 669 - 15 décembre 1994 | |
Attention, information illicite |
Cet
article, écrit en 1994, ne tient pas compte des profondes modifications
intervenues dans la nouvelle édition du Code International 1997. Il est fortement conseillé de prendre connaissance de ces modifications et de consulter en particulier la nouvelle rédaction de la Loi 16 |
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Cette définition, pour le moins globale, de l'information illicite, véritable "cauchemar" du bridge et des arbitres, mérite de larges développements, car les situations et les questions qu'elle pose sont multiples.
Par exemple :
- Mon partenaire nomme 3 SA, le kibbitz hausse les épaules et quitte la table et je répète mes Piques. Légal ou illégal ?
- Mon adversaire de droite tient ses cartes de telle manière qu'il est impossible de ne pas les voir, je peux prendre la Dame de Carreau des deux côtés ! Que dois-je faire ?
- Vu la grimace de mon partenaire, l'entame ne doit pas beaucoup lui plaire, et si j'essayais mon doubleton Cœur ?
- Je viens d'entendre que le chelem est sur table à la donne 16 ! J'en profite ?
- Etc., etc...
Outre la Loi 16, que nous allons détailler, le code international évoque " l'information illicite ou non autorisée " dans d'autres lois, essentiellement :
- Loi 73 communication entre partenaires
- Loi 74 conduite et éthique
Le rapport entre la Loi 16 et ces deux autres lois, de par leur seul titre, paraît évident.
La Loi 16 distingue trois situations différentes :
"Si par: une remarque, une question, une réponse à une question , une hésitation flagrante, une rapidité inhabituelle, une insistance particulière, une intonation, un mouvement, un maniérisme OU L'ÉQUIVALENT, un joueur rend perceptible à son partenaire une information illicite POUVANT SUGGERER une déclaration ou un jeu, celui-ci NE PEUT PAS, parmi les différentes possibilités LOGIQUES d'action, en choisir une qui aurait pu raisonnablement avoir été suggérée, plutôt qu'une autre, par cette information illicite."
Ce chapitre établit clairement ce qui, dans le comportement du
partenaire, est considéré comme source d'information illicite.
J'attire votre attention sur le "OU L'EQUIVALENT" qui élargit considérablement
le champ d'action de cette loi.
Par ailleurs, dès qu'une telle information est à votre disposition, votre
possibilité de choix entre plusieurs possibilités LOGIQUES se trouve réduit.
Exemple : 1 - 1 - 1 SA
Vous décidez d'entamer Pique, votre partenaire pose avec insistance des questions sur l'ouverture d'1 , le mort fait la levée, le déclarant joue Cœur, vous êtes de nouveau en main, et vous jouez Trèfle.
- 1° cas :
- vous êtes singleton Trèfle, pas de problème, vous n'êtes pas dans une possibilité LOGIQUE, votre retour à Trèfle provient uniquement des questions posées par votre partenaire, infraction claire ! Si votre contre-attaque donne des levées au déclarant, coup maintenu, sinon redressement en faveur des adversaires.
- 2° cas :
- vous vous êtes aperçu que votre entame Pique, dans la forte du mort n'est pas bonne, et, compte tenu de votre jeu, des cartes du mort, vous avez un choix logique entre Carreau et Trèfle, vous détenez par exemple :
10 9 x x
R x x
D V x
D V x
Si vous jouez Trèfle, l'arbitre pourra estimer que ce choix, bien que LOGIQUEMENT possible, a pu être suggéré par l'information illicite issue des questions posées par votre partenaire.
Le résultat du coup sera maintenu s'il vous est défavorable et modifié intégralement ou partiellement selon l'estimation de l'arbitre, s'il vous est favorable (c'est la teneur des Trèfles et des Carreaux du mort qui déterminera l'estimation de l'arbitre).
Ce dernier point est très important car beaucoup de joueurs
pensent, à tort, que seule l'utilisation volontaire, irrationnelle, dans une
situation illogique, d'une information illicite est pénalisable, alors qu'elle
peut l'être aussi (au moins partiellement) dans une situation de choix logiques
multiples.
Ce qui revient à dire que, dans le cas d'une information illicite venant du
partenaire, il n'y a pas beaucoup d'issues favorables pour le camp fautif.
Mon conseil est donc simple et clair :
NE DONNEZ PAS D'INFORMATION ILLICITE !
Ne manifestez pas, ne grimacez pas, même si l'entame vous paraît ridicule ou démente. En restant impassible tout n'est peut-être pas perdu, votre partenaire peut faire un lâcher de carte et trouver ainsi le bon retour... alors que si vous déchirez ostensiblement votre As de Cœur il est peu probable que l'arbitre accepte ce flanc pourtant si évident (maintenant)...
Si c'est vous qui recevez l'information illicite, n'en tenez pas compte, votre partenaire a hésité, votre réveil n'est pas évident... alors ne réveillez pas, le pari devient mauvais car si votre réveil tombe mal vous allez payer et, si, au contraire, il tombe bien vous n'encaisserez le bon coup que partiellement, voire pas du tout !
Loi 16 A 1
" Quand une information illicite provenant du partenaire est à la disposition d'un joueur :
- le camp non fautif peut signifier qu'il " réserve ses droits " et peut appeler l'arbitre de suite ou ULTÉRIEUREMENT,
- le camp " fautif " devrait appeler l'arbitre DE SUITE s'il conteste le fait qu'une information non autorisée pourrait avoir été donnée ".
Commentaires
Si vos adversaires vous disent qu'ils "font des réserves",
n'en prenez pas ombrage, c'est leur DROIT. S'ils n'appellent l'arbitre qu'à la
fin de la donne, pas de "Trop tard" !, ou de "C'est facile,
maintenant, après avoir vu les cartes", etc.
Par contre, si vous n'êtes pas d'accord sur le fait de détenir une information
illicite, appelez l'arbitre DE SUITE, vous "devriez" le faire dit la
loi. D'ailleurs, pourquoi contesteriez-vous plus tard et pas sur le champ ?
Lorsqu'il s'agira d'établir les faits et l'usage que vous avez pu faire d'une
telle information, ne pas avoir appelé l'arbitre plaidera en faveur de vos
adversaires donc...
Loi 16 A 2
" Quand une possibilité illégale est choisie ou qu'un joueur a une sérieuse raison de croire que c'est le cas :
- l'arbitre devrait être appelé de suite
- il exigera que les annonces et le jeu continuent
- il se tiendra prêt à attribuer une marque ajustée, s'il considère que l'infraction à la loi a causé un dommage ".
Exemple :
après votre entame, le mort expose une main dont la force correspond plus à
ses hésitations successives qu'à ses enchères et vous "avez une sérieuse
raison" de penser que le contrat final A PU résulter du choix d'une
possibilité illégale. Vous devriez appeler l'arbitre de suite.
D'une manière générale appelez l'arbitre le plus tôt possible, les faits
seront d'autant plus difficiles à établir que vous le ferez tardivement.
Cette partie de la loi concerne toutes les informations illicites ACCIDENTELLES qui pourraient influer sur les annonces ou le jeu.
Exemple :
- la table voisine a parlé trop fort et Nord connaît le résultat de l'étui à venir ;
- un joueur connaît des cartes d'un autre jeu que le sien (une carte face en l'air dans l'étui...).
L'arbitre devrait être appelé de suite (de préférence par le joueur qui a reçu l'information) et si celui-ci considère que l'information pourrait interférer dans le jeu normal, il peut :
ATTENTION ! C'est l'arbitre qui décide et non les joueurs. Par exemple, vous êtes en Nord et, en vous passant l'étui, un joueur de la table suivante renverse plusieurs cartes de Sud, votre partenaire. Vous êtes seul à les avoir vues, vos futurs adversaires n'étant pas à la table : vous ne pouvez pas décider de vous-même que l'étui n'est pas jouable et regarder les scores. L'arbitre peut décider que vous serez Sud sur cet étui. Si vous avez anticipé, vous devenez pénalisable.
" Une déclaration ou un jeu peuvent être retirés et d'autres substitués, soit par un joueur du camp non fautif après une infraction d'un adversaire, soit par un joueur du camp fautif pour corriger une infraction ".
Exemple :
Le déclarant joue le 10 de Carreau du mort, vous fournissez le Valet, le déclarant coupe du Valet de Pique et votre partenaire surcoupe de la Dame. A ce moment, le déclarant retrouve le 6 de Carreau dans son jeu ! La renonce n'est pas consommée, le 6 de Carreau est fourni, le Valet de Pique est repris sans pénalité (pas de carte pénalisée chez le déclarant), votre partenaire reprend sa Dame de Pique et vous êtes en main.
En tant que camp non fautif, vous pouvez utiliser au mieux de vos intérêts le fait que vous sachiez que le déclarant a le Valet d'atout et votre partenaire la Dame.
En ce qui concerne le déclarant, camp fautif, si celui-ci joue atout il ne PEUT PAS tirer As-Roi en tête connaissant la Dame derrière par le jeu retiré du camp non fautif ; ni tirer l'As en tête si c'est le Roi qu'il sait ILLICITEMENT être mal placé.
Ce troisième et dernier volet de la Loi 16 est en général absolument inconnu des joueurs (cela est également développé dans la Loi 47 F).